« La réponse à l’IRA américain, c’est l’IRA européen ! (L’Opinion)

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Emmanuel Combe a publié dans L’Opinion le 23 Janvier 2023 une chronique sur la riposte européenne à l’Inflation Reduction Act.

 

La réponse à l’IRA américain, c’est l’IRA européen !

En lançant l’Inflation Reduction Act, les Etats-Unis ont clairement affirmé que transition climatique rime désormais avec politique industrielle. Les montants mobilisés par le gouvernement américain sont impressionnants : pas moins de 369 milliards de dollars vont être affectés à « la sécurité énergétique et le changement climatique », soit 1,5% du PIB des Etats-Unis. Plus encore, cette politique industrielle prend un tour protectionniste : des règles d’approvisionnement et d’assemblages sur le territoire américain sont imposées aux entreprises qui veulent bénéficier des aides, à l’image de l’industrie automobile.

Cette politique industrielle volontariste a rapidement suscité l’inquiétude des Européens. Et pour cause : l’IRA risque d’entrainer une diminution des exportations vers les Etats-Unis sur les produits aidés, une moindre attractivité de l’Europe en termes d’investissements étrangers et des délocalisations vers les Etats-Unis.

Face à l’IRA, que peut faire l’Europe ? Doit-elle tenter d’obtenir des exemptions et aménagements du programme américain ? Cela ne changera pas fondamentalement la donne, les marges de manœuvre politique pour amender l’IRA étant faibles du côté américain. L’Europe doit-elle engager une guerre commerciale avec les Etats-Unis, au motif que l’IRA est une politique protectionniste qui cache son nom ? Le protectionnisme généralisé mène souvent à une impasse, compte tenu de son coût collectif et du risque d’escalade. Doit-elle porter plainte devant l’OMC, au motif du caractère discriminatoire des aides ? Une telle riposte juridique prendrait trop de temps. L’Europe doit-elle activer sa défense commerciale, et en particulier le nouveau règlement européen « relatif aux subventions étrangères faussant le marché intérieur » ? Son périmètre d’application est en pratique limité aux marchés publics et fusions-acquisitions.

En réalité, pour l’Europe, la seule réponse à la hauteur de l’IRA américain serait de lancer un IRA … européen. Plusieurs leviers sont mobilisables. Le premier consiste à prolonger l’assouplissement du contrôle des aides d’Etat,  lorsqu’elles sont octroyées en faveur de productions vertes. Le risque est toutefois de conduire à une fragmentation de l’Europe au profit de quelques grands Etats membres, qui ont les moyens de financer massivement leur industrie. Le second levier passe par un cadre réglementaire accélérant le déploiement de sites de production propre en Europe, comme l’a évoqué la présidente de la Commission à Davos. Le troisième levier, sans doute le plus prometteur pour la cohésion européenne, est de multiplier les « Projets Importants d’Intérêt Européen Commun » (PIIEC). Ces grands programmes financés par les entreprises et l’Union Européenne ont pour but de favoriser l’innovation et les investissements dans de nouveaux domaines industriels stratégiques. Plusieurs PIIEC ont déjà été lancés -dans les semi-conducteurs (2018), les batteries électriques (2019, 2021) l’hydrogène (2022)- mais d’autres pourraient voir le jour demain dans le cloud, la santé ou le photovoltaïque. La question du financement de ces PIIEC va rapidement se poser : les Européens seront-ils prêts à mettre en place un fonds de souveraineté en faveur de la transition climatique, financé par une émission de dette commune, comme cela a été fait durant le Covid ?

 

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