Emmanuel Combe a publié une chronique dans L’Opinion le 27 Mars 2023 sur les pratiques de greenwashing.
Greenwashing : l’heure de la reprise en main
A l’heure de la transition climatique, les consommateurs sont de plus en plus sensibles à l’empreinte écologique des produits qu’ils achètent. La qualité environnementale est en train de devenir un critère de choix pour le consommateur, au même titre que le prix. Mais pour qu’il puisse faire un choix éclairé, le consommateur doit être parfaitement informé de la signification précise des allégations environnementales qui lui sont fournies. Lorsqu’une entreprise affirme que son produit est « neutre en carbone », que doit-il comprendre exactement ? Certaines entreprises risquent de diffuser des informations erronées ou incomplètes sur les caractéristiques environnementales de leurs produits, dans le but de conquérir des clients. Dans ce contexte, les entreprises qui voudraient investir dans des produits verts seront décourager de le faire dans la mesure où elles auront du mal à convaincre les clients. On retrouve ici un problème assez classique en économie : l’asymétrie d’information empêche de séparer les bons des mauvais élèves.
Pour surmonter cet obstacle, une première solution consiste à miser sur l’auto-organisation : les entreprises « vertueuses » vont se regrouper sous un même label, afin de signaler aux consommateurs qu’elles respectent un certain nombre d’engagements environnementaux. Le problème est qu’il existe aujourd’hui plus de 230 labels « verts » en Europe et que les consommateurs peinent à s’y retrouver. Plus encore, selon la Commission européenne, certains labels ne sont pas très regardants sur la vérification des engagements pris : la moitié d’entre eux reposent sur peu ou pas d’évaluation.
Face aux limites de l’auto-régulation par les labels privés, une seconde solution est que les pouvoirs publics reprennent le sujet en main, en imposant une certaine transparence et standardisation. Tel est précisément l’objet du projet de directive que la Commission vient de soumettre aux Etats-Membres.
L’enjeu de ce projet de directive n’est pas d’obliger les entreprises à communiquer sur l’empreinte environnementale de leurs produits mais simplement de s’assurer que, si elles le font, leur démarche ne relève pas du « greenwashing ». A cet égard, la Commission a mené une enquête en 2020 sur 150 allégations environnementales et a conclu que dans 53% des cas il s’agissait d’information vagues, pour ne pas dire trompeuses.
Le projet de directive prévoit tout d’abord que toute allégation en matière environnementale doit être fondée sur une méthodologie éprouvée et fondé scientifiquement, même si la Commission ne privilégie pas une méthodologie unique, compte tenu de la diversité des situations. La mesure devra toutefois inclure les impacts positifs comme négatifs sur l’environnement et porter sur l’ensemble du cycle de vie du produit. Le projet de directive met également en place un système de vérification des allégations par des tiers indépendants qui seront accrédités par chaque Etat membre. Enfin, en cas d’allégation trompeuse, il est prévu des sanctions pécuniaires dissuasives à l’encontre de l’entreprise. Le mérite de cette régulation est qu’elle définit un cadre commun pour toute l’Europe : elle met sur un pied d’égalité l’ensemble des Etats membres, à l’heure où un pays comme la France vient de mettre en œuvre la loi Climat et résilience, assez audacieuse sur le sujet.