« Fusions-acquisitions : vous avez dit parts de marché ? (L’Opinion)

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Emmanuel Combe a publié le 29 Septembre 2021 une chronique dans L’Opinion sur le rôle des parts de marché dans l’analyse concurrentielle des fusions-acquisitions.

 

Fusions-acquisitions : vous avez dit parts de marché ?

 

Nous avons vu dans la précédente chronique que pour apprécier l’impact d’une fusion sur la concurrence, la première étape consistait à délimiter les marchés sur lesquels l’opération a lieu. Une fois ces « marchés pertinents » établis, une seconde étape consiste à apprécier l’évolution des parts de marché après la fusion. L’exercice semble de prime abord simple, pour ne pas dire évident : par exemple, si l’entreprise A dispose d’une part de marché de 40% et l’entreprise B de 20%, le mariage de A et B  conduira logiquement à une part de marché de 60%. Néanmoins, plusieurs questions peuvent se poser.

Tout d’abord, quel indicateur doit-on retenir pour calculer les parts de marché ?  L’approche la plus fréquente consiste à prendre le chiffre d’affaires, qui reflète l’activité réelle des entreprises, au-delà par exemple des volumes ou de l’audience. Mais dans certaines situations particulières d’autres indicateurs peuvent être utilisés. Par exemple, dans la distribution alimentaire, où la concurrence se joue au niveau d’une zone de chalandise locale, il est plus pertinent de raisonner sur les surfaces commerciales en m² plutôt que sur les chiffres d’affaires.

En second lieu, à partir de quel seuil de parts de marché une fusion présente-t-elle un risque pour la concurrence ? La réponse est plus conventionnelle que théorique : en Europe, des parts de marché supérieures à 50 % post-fusion laissent présumer d’un pouvoir de marché important. A contrario, des parts de marché inférieures à 25% sont peu susceptibles de poser problème.  Mais dans certains cas, la part de marché peut sous-estimer le poids réel d’un acteur : tel est le cas d’une fusion qui implique le rachat d’une petite entreprise disruptive qui anime le marché. Ainsi, en 2006, la Commission s’est inquiétée du rachat en Autriche par T-Mobile d’un petit opérateur de téléphonie, Tele ring, dont la part de marché n’était que de 15% mais qui affichait une politique de prix agressive face aux trois grands opérateurs.

En dernier lieu, la part de marché des entreprises qui se marient ne dit rien de la configuration globale du marché : combien d’entreprises restent en dehors de la fusion et avec quelles parts de marché ? Pour reprendre notre exemple, une fusion de A et B qui conduit à détenir une part de marché de 60% n’aura probablement pas le même impact sur la concurrence selon que le reste du marché est composé d’une seule entreprise C ou de 20 petites entreprises ayant chacune 2% de part de marché. Pour apprécier la configuration globale du marché, on peut recourir à un indice de concentration, tel que l’indice d’Herfindhal. Cet indice permet d’apprécier la symétrie ou l’asymétrie des parts de marché, avant et après la fusion.

Si de fortes parts de marché et une forte concentration invitent à regarder de près l’opération, cela ne signifie pas nécessairement que la fusion est dangereuse pour la concurrence : il faut passer à l’étape la plus délicate, qui consiste à étudier les différents impacts possibles de l’opération sur la concurrence. Ce sera l’objet de notre prochaine chronique.

 

 

 

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