« Face à l’Inflation Reduction Act, soyons offensifs » (Les Echos)

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Emmanuel Combe a publié une chronique dans Les Echos le 7 Décembre 2022

Face à l’Inflation Reduction Act, soyons offensifs !

Alors que les Etats-Unis lancent un vaste programme de soutien à la transition climatique,  les Européens s’inquiètent  à juste titre de ce que les aides publiques soient réservées aux seules entreprises américaines, à l’image des subventions pour l’achat de véhicules électriques. Face à une telle politique, comment l’Europe devrait-elle réagir ?

Une première réponse consiste à négocier des exemptions et aménagements du programme américain, pour qu’il puisse bénéficier également aux entreprises européennes.  Tel a été l’un des objectifs majeurs du déplacement du Président Macron aux Etats-Unis la semaine dernière. Si la démarche est louable, il est toutefois peu probable qu’elle change radicalement la donne, dans la mesure où le slogan du «Buy american» reste porteur politiquement.

Une seconde réponse, opposée à la première, serait de taxer en retour les importations américaines. Cela s’appelle la guerre commerciale. L’expérience montre qu’elle conduit souvent à une impasse pour celui qui la met en oeuvre. En effet, l’Europe risque la double peine : non seulement nous allons moins exporter vers les Etats-Unis à cause des subventions versées aux producteurs américains, mais en plus, nous allons payer plus cher les produits américains importés. Or, contrairement à une idée largement répandue, les importations ne sont pas une malédiction pour l’Europe : nos performances à l’exportation sont en partie liées à notre capacité à importer moins cher.

Une troisième réponse serait de porter plainte devant l’OMC, au motif que l’Inflation Reduction Act viole les règles multilatérales. En effet, le plan américain est discriminatoire puisqu’il subordonne l’octroi d’une subvention à un critère de contenu local du produit, ce qui est formellement prohibé par l’OMC. Mais en pratique, une telle riposte juridique prendra du temps – sans doute plusieurs années. De plus, si l’OMC venait demain à donner raison à l’Europe, cette dernière pourrait alors imposer des mesures compensatoires, sous la forme de tarifs douaniers. On retrouverait alors les limites d’une politique protectionniste.

Une quatrième réponse, très populaire, est d’instaurer un « Buy European Act ». L’objectif est d’assurer un débouché aux entreprises européennes au travers de la commande publique, quitte à payer plus cher par rapport à des produits importés de qualité équivalente. Il s’agit en réalité d’une fausse bonne idée. Comme le montre une étude du Peterson Institute sur le cas américain, une telle politique conduit à augmenter les prix, au détriment du contribuable, et sauve des emplois à un coût exhorbitant. Elle risque aussi de diminuer l’incitation à l’innovation, en créant une forme de rente.

La véritable réponse à l’Inflation Reduction Act doit être offensive et non défensive : elle consiste à mener, comme les Américains, une politique industrielle de soutien massif à l’innovation verte. Cette politique doit se jouer au niveau européen, pour pouvoir bénéficier d’une taille critique. Elle prend la forme de projets d’intérêt commun (PIIEC) -à l’image de ce qui est fait sur l’hydrogène- qui associent fonds privés et publics pour financer de la R&D et des infrastructures sur des technologies du futur. Notre ambition doit être demain de multiplier ce type de projets communs. L’enjeu pour l’Europe est de construire, face aux Etats-Unis et à la Chine, de nouveaux avantages comparatifs. Cette politique industrielle vise à préparer notre insertion future dans une mondialisation qui sera plus verte.

 

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