« Euro : touche pas à ma monnaie (unique) » L’Opinion

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Emmanuel Combe a publié une chronique dans le journal L’Opinion, le 8 Janvier 2019, sur l’adhésion des européens à l’Euro.

 

Euro : touche pas à ma monnaie (unique)

A l’heure où la tentation du repli nationaliste gagne du terrain en Europe, il n’est pas inutile de revenir sur le lancement de l’euro, qui fête ses 20 ans d’existence. Une monnaie qui rassemble aujourd’hui 19 pays d’Europe et est utilisée quotidiennement par 337 millions de citoyens.

Force est de constater que l’euro, pourtant décrié lors de la mise en circulation des pièces et billets en 2002, est aujourd’hui accepté par la population. Selon un récent sondage de la Commission, 64 % des citoyens de la zone euro considèrent la monnaie unique comme une « bonne chose ». Certes, l’adhésion est plus ou moins forte selon les pays : ils sont 76 % à le plébisciter en Autriche, contre 59 % seulement en France. Mais il n’en reste pas moins que les partisans de l’euro sont majoritaires dans tous les pays et que les discours populistes sur la « sortie de l’euro », la souveraineté monétaire retrouvée ou les vertus de la «dévaluation compétitive » ne font plus vraiment recette : ainsi, en France, la candidate du Front National, Marine Le Pen, a dû faire marche arrière sur ce thème lors de la campagne présidentielle de 2017, face au scepticisme de son électorat.

Bien commun. Autre succès symbolique de l’euro : la BCE s’est imposée comme une institution crédible, au point que les critiques sur son statut ne parviennent pas à prospérer. Ainsi, lorsque l’Allemagne s’est lancée en avril 2016 dans une attaque en règle contre la politique monétaire supposée « laxiste » de Mario Draghi, elle a reçu une réponse cinglante de ce dernier, qui a clos rapidement le débat : « Nous obéissons à la loi, pas aux politiques, parce que nous sommes indépendants ». Bref, l’euro et la Banque centrale européenne ont réussi jusqu’ici à échapper au rôle de « bouc émissaire » que les décideurs politiques aimeraient parfois leur faire endosser ; bien au contraire, ils sont aujourd’hui plutôt perçus comme un bien commun, une valeur sûre, un îlot de stabilité et de vision à long terme, dans un monde économique et politique imprévisible.

Cette adhésion majoritaire de la population à l’euro ne vient pas de nulle part : elle s’est construite au fil du temps, preuves à l’appui. Tout d’abord, au cours de ses 20 ans d’existence, la zone euro a toujours été synonyme de stabilité des prix, avec une inflation contenue à moins de 2 %. Plus encore, la zone euro a démontré sa capacité de résistance et d’adaptation, suite à la crise de 2008 : création du Fonds européen de stabilité financière (FESF) en 2010, qui a permis à des Etats en difficulté comme la Grèce de continuer à emprunter au taux du marché ; adoption d’une politique monétaire dite « non conventionnelle » après 2015, consistant à acheter massivement de la dette publique et privée, pour prévenir tout risque de déflation ; mise en route de l’Union Bancaire, chargée d’assurer la stabilité du secteur bancaire dans la zone euro, grâce notamment à un mécanisme de supervision unique.

Pour autant, si une majorité d’Européens adhère aujourd’hui à la monnaie unique, il n’est pas certain qu’ils soient disposés à passer à l’étape suivante et ultime, aussi nécessaire soit-elle pour la stabilité de la zone euro : la mise en place d’un véritable budget européen. Espérons qu’après l’Union monétaire et l’Union bancaire, les 20 prochaines années soient celles de l’Union budgétaire.

Emmanuel Combe est professeur des universités, professeur affilié à Skema business school.

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