« Air France : implacable CSKO !  » (L’Opinion)

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Emmanuel Combe a publié une chronique dans le journal L’Opinion, le 6 Octobre 2015 sur la situation d’Air France.

Air France : implacable CSKO !

Alors qu’ Air France vient d’annoncer la mise en œuvre du « plan B », visant à réduire la voilure sur le long courrier, il n’est pas inutile de revenir sur l’origine du problème. Elle tient en quatre lettres : CSKO. Coût au Siège Kilomètre Offert.

Le CSKO consiste à rapporter les coûts opérationnels d’un vol au nombre de sièges dans l’avion et à la distance parcourue. Il s’agit d’un bon indicateur de productivité, qui permet, sur une distance équivalente, de comparer les performances entre compagnies.

Prenons le cas du moyen courrier. Si l’on en croit le cabinet CAPA, sur une distance de 1 000 kilomètres, EasyJet afficherait un CSKO de 6 centimes, fuel inclus, quand Air France serait à 11 centimes, soit un écart de 45 %. Sur le long courrier, le CSKO d’Emirates ou Turkish serait 30 % inférieur à celui d’Air France, sur une distance de 6 000 kilomètres. Même par rapport à British Airways, l’écart de CSKO reste significatif, d’au moins 15 %. Si l’on raisonnait hors fuel, c’est-à-dire sur les coûts pilotables, les écarts seraient encore plus marqués.

Quand une compagnie affiche un CSKO élevé, trois options sont possibles pour revenir dans le marché. La première est d’attendre que les coûts des concurrents dérivent, comme cela a été observé aux Etats-Unis avec Southwest Airlines. Mais cette option relève de l’illusion en Europe : easyJet multiplie les services à valeur ajoutée sans pour autant altérer sa base de coût unitaire. Montée en gamme de l’offre ne rime pas forcément avec « embourgeoisement ». La seconde option consiste à compenser des CSKO plus élevés par des recettes au siège/kilomètre (RSKO) plus importantes et donc… des prix plus élevés que les concurrents. Cette stratégie existe déjà et trouve vite sa limite sur le moyen courrier : le client regarde d’abord le prix, dès lors que l’impératif de sécurité des vols est rempli. Sur le long courrier, l’image de marque de la compagnie, la qualité des services offerts et du réseau, l’existence d’un programme de fidélité sont certes de précieux atouts mais cette « prime » n’est pas infinie et le client est aussi regardant sur les prix… surtout lorsque les concurrents asiatiques et du Golfe misent eux-mêmes sur la qualité de service.

Des gains de productivité cruciaux. Dernière option : diminuer le CSKO. Sur le moyen courrier, la solution est de passer sans état d’âme et à grande échelle sur un modèle low cost, au moins pour les vols en point à point : c’est ce qu’a fait BA avec sa filiale Vueling, qui aligne déjà 100 Airbus dans toute l’Europe ; c’est ce que fait aujourd’hui plus timidement Air France avec Transavia, sans avoir pu toutefois concrétiser le projet Transavia Europe.

Sur le long courrier, la baisse des coûts unitaires passe par une flotte d’avions modernes, une renégociation avec les sous-traitants, une diminution des frais généraux et coûts salariaux, que ce soit au niveau du sol ou du personnel navigant. Une méthode extrême est celle utilisée par British Airways lorsqu’elle a repris Iberia : une baisse du salaire des pilotes de… 14 % !

Une méthode plus pragmatique consiste à augmenter les temps de travail, pour des rémunérations similaires. Ne nous y trompons pas : si le plan B d’Air France est opportun aujourd’hui, en permettant de couper les lignes déficitaires, les gains de productivité restent une étape obligée pour revenir dans les standards de coût du marché et… retrouver demain le chemin de la croissance.

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