« A la recherche du marché pertinent » (Les Echos)

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Emmanuel Combe a publié le 28 Septembre une chronique dans Les Echos sur le marché pertinent.

A la recherche du « marché pertinent »

 

A l’occasion du projet de rachat de M6 par TF1,  la notion de « marché pertinent » est sortie du cercle des spécialistes de droit de la concurrence pour s’inviter dans les débats médiatiques. Mais de quoi parle-t-on exactement ?

L’exercice de délimitation du marché pertinent vise un objectif précis : identifier le périmètre à l’intérieur duquel s’exerce la concurrence entre les entreprises qui souhaitent fusionner. Ce périmètre présente une double dimension, de produits et géographique.

Le principe cardinal qui guide la délimitation du marché pertinent est celui de substituabilité de la demande : il s’agit de savoir si les clients considèrent qu’il existe des produits suffisamment substituables à ceux des entreprises qui fusionnent. Le raisonnement à tenir est résumé dans le fameux test du « monopoleur hypothétique » : si après le mariage, la nouvelle entité augmente les prix durablement de 5 à 10%, comment réagiront les clients ? Si les clients se reportent significativement sur les produits d’autres entreprises ou sur une autre zone géographique, alors c’est qu’il existe des produits substituables ; dans un tel cas, le marché pertinent doit être élargi à ces produits ou à cette zone. A l’inverse, si les clients se reportent peu parce qu’ils considèrent que les produits des autres entreprises ou leur localisation géographique sont différents, il n’y a pas de substituabilité suffisante et le marché pertinent sera étroit.

En pratique, pour délimiter le marché pertinent, il est usuel de recourir à la méthode du faisceau d’indices. On peut tout d’abord mobiliser des indices qualitatifs. Pour ce qui concerne les produits, ils consistent par exemple à analyser les besoins des clients, les caractéristiques des produits, leur positionnement commercial ou à constater des écarts de prix significatifs. Ainsi, une boisson sans marque au goût de cola vendue à 70 centimes d’euro et une boisson au goût de cola mais à forte image de marque, vendue 2 euros ne sont sans doute pas substituables aux yeux des clients. Pour ce qui concerne la dimension géographique des marchés, des indices tels que les coûts de transport ou le temps de parcours des consommateurs peuvent être pris en compte. Ainsi, sur le marché aval de la distribution de détail, les zones de chalandises sont de dimension locale : les consommateurs qui habitent à Marseille n’iront pas à Bordeaux effectuer leurs courses du quotidien, au motif que les prix ont augmenté près de chez eux, suite à la fusion de deux magasins. On peut également mobiliser des indices quantitatifs, lorsque les données sont fiables. Par exemple, une forte corrélation dans le temps entre les variations de prix de deux produits peut constituer un indice de substituabilité.

En matière de délimitation du marché pertinent, il faut se méfier des apparences, qui peuvent être trompeuses. Ainsi, deux produits assez similaires dans leurs fonctionnalités n’appartiennent pas forcement aux mêmes marchés pertinents, s’ils n’ont pas les mêmes usages pour les clients. Par exemple, une voiture de luxe n’est à l’évidence pas sur le même marché  qu’une voiture utilitaire. Symétriquement, deux produits physiquement différents peuvent néanmoins appartenir au même marché. Ainsi, si un train est différent d’un avion, on ne peut exclure pour autant que le train à grande vitesse et l’avion puissent appartenir au même marché, s’ils  satisfont le même besoin, à savoir celui de se déplacer rapidement entre deux villes.

La délimitation du marché pertinent constitue donc une construction intellectuelle exigeante, qui n’est pas toujours intuitive.

 

 

 

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