« Produits alimentaires : plus de transparence sur les prix pour plus de concurrence » (Les Echos)

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Emmanuel Combe a publié dans Les Echos le 16 Mars 2022 une tribune sur la transparence des prix.

 

Produits alimentaires : plus de transparence sur les prix pour plus de concurrence

A l’heure où les Français s’inquiètent de la forte inflation sur les produits alimentaires, plusieurs initiatives ont été prises par les distributeurs pour rassurer les clients et limiter les hausses de prix. Certains, à l’image de Carrefour ou Intermarché, ont bloqué temporairement les prix sur des centaines de produits. D’autres, comme Leclerc, sont allés plus loin et ont lancé leur propre comparateur de prix. Cette seconde solution s’attaque à l’un des principaux obstacles à la concurrence pour le consommateur : les coûts de recherche de l’information. Il est en effet coûteux pour un consommateur de comparer les prix d’un panier entre plusieurs enseignes présentes dans sa zone de chalandise, compte tenu du temps que cela prend et compte tenu du fait que les prix bougent fréquemment. La transparence de l’information constitue une condition de l’animation de la concurrence sur le marché, lorsque les produits sont très nombreux. Le comparateur de prix permet justement de réduire les coûts de recherche, en facilitant l’accessibilité à l’information.
Encore faut-il que le comparateur de prix soit exhaustif -que ce soit en termes de références ou de formats de magasin- mais aussi qu’il soit mise à jour fréquemment. A cet égard, une solution ambitieuse consisterait pour les pouvoirs publics à prendre en main le sujet de la comparaison des prix, en exigeant de tous les distributeurs alimentaires qu’ils affichent leurs prix sur Internet, en temps réel et magasin par magasin. Cette solution, techniquement possible à l’heure des étiquettes numériques, permettrait également de crédibiliser les comparaisons de prix, en les rendant exhaustives et indépendantes d’un distributeur particulier. Cette solution -assez radicale- n’a rien d’impossible ou de théorique :  elle a été mise en oeuvre depuis juin 2015 en Israël. Dans ce pays, les supermarchés alimentaires doivent afficher chaque jour les prix de leurs produits sur Internet, et même chaque heure en cas de changement de prix au cours de la journée. Des comparateurs de prix indépendants ont alors vu le jour, permettant aux clients de faire eux-mêmes leurs comparaisons. Quels ont été les effets de cette décision politique sur le marché israélien de la distribution alimentaire ? Une passionnante étude empirique d’Ater et Rigbi nous fournit des éléments de réponse très instructifs.
En premier lieu, la transparence a eu pour effet de faire baisser en moyenne les prix des produits alimentaires de  4 à 5%, ce qui est considérable. Cette baisse des prix a eu lieu pour l’essentiel au sein des enseignes les plus chères, qui ne pouvaient plus justifier d’être en décalage par rapport à l’ensemble du marché. A l’inverse, les chaines à bas prix ont peu ajuster leurs prix à la baisse.
En second lieu, la transparence a réduit la dispersion des prix entre enseignes et pour un même produit d’environ 50%. Plus encore, au sein d’une même enseigne, la tendance au prix uniforme a augmenté. En effet, il est usuel pour une enseigne d’adapter ses prix en fonction de la localisation du magasin, en tenant compte de l’intensité de la concurrence et/ou du pouvoir d’achat de la population. Avec l’affichage des prix sur Internet par magasin, il devient plus difficile de justifier aux yeux des consommateurs des pratiques de discrimination par les prix, perçues comme « injustes ».
En troisième lieu, les enseignes à bas prix ont fait des comparateurs de prix un argument publicitaire crédible. En effet, communiquer sur le fait d’être classé parmi les moins chers est pris au sérieux par le consommateur, dans la mesure où le classement est exhaustif et indépendant de l’enseigne. De plus, le comparateur de prix permet de communiquer sur un écart de prix global par rapport aux autres enseignes, ce qui évite la communication sur quelques produits, qui n’est pas perçue comme crédible aux yeux des consommateurs.
Ainsi, avec l’obligation d’affichage des prix sur Internet en temps réel, les pouvoirs publics disposent d’un levier peu coûteux et très efficace pour encourager la concurrence entre les enseignes. Une concurrence qui profiterait au pouvoir d’achat de tous.

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