« Climat : la politique de concurrence peut aider » (Les Echos)

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Emmanuel Combe a publié une chronique dans Les Echos le 18 Novembre 2022 sur la transition environnementale.

 

Climat : la politique de concurrence peut aider

A l’heure où la COP 27 réaffirme la nécessité d’aller plus vite dans la décarbonation de nos économies, de multiples leviers publics peuvent être mobilisés.  A cet égard, la politique de concurrence peut jouer un rôle utile.

Tout d’abord, en luttant contre les pratiques anti-concurrentielles qui retardent l’évolution des marchés vers des produits verts. Par exemple, des entreprises peuvent décider de ne pas se concurrencer sur la performance environnementale de leurs produits, alors même que cette variable est un critère de choix pour les clients. Tel a été l’un des objectifs de l’entente dans le secteur du lino, sanctionnée en 2017 par l’Autorité de la concurrence. De même,  des entreprises peuvent s’entendre pour qu’aucune d’entre elles n’anticipe l’entrée en vigueur d’une nouvelle norme environnementale. Ainsi, la Commission a condamné en 2016 le « cartel des camions » pour avoir notamment fixé en commun le calendrier relatif à l’introduction de technologies conformes aux normes d’émission Euro VI. Enfin, des concurrents peuvent se concerter pour ne pas être mieux-disant que la norme. Ainsi, la Commission a sanctionné en 2021 plusieursconstructeurs automobiles qui se sont concertés pour ne pas aller au-delà de ce qui était exigé par la législation en matière d’épuration des gaz d’échappement.

Ensuite, la politique de la concurrence peut lutter contre les pratiques dites de « greenwashing », qui consistent à diffuser des affirmations non fondées ou trompeuses sur les qualités vertes des produits. Ces pratiques donnent un avantage déloyal à l’entreprise qui les mobilise, au détriment des consommateurs et des concurrents. Ainsi, en Hollande, l’autorité de concurrence (ACM) a ouvert en 2021 une enquête à l’ encontre de chaines du secteur de l’habillement, qui n’informaient pas les consommateurs de manière claire et vérifiable sur l’usage de termes tels qu’ « ecodesign ». Certaines d’entre elles –à l’image de Decathlon et d’H&M-  ont pris des engagements pour modifier durablement leur comportement.

Enfin, la politique de concurrence peut sécuriser les entreprises sur ce qu’elles peuvent faire en matière d’ententes bénéfiques pour l’environnement. Tout d’abord, elle peut réaffirmer que certaines coopérations ne soulèvent pas de problème de concurrence. Ainsi, en Hollande, pays à la pointe des sujets de développement durable, l’ACM a accueilli favorablement en 2022 la coopération entre des producteurs de boissons rafraîchissantes, visant à supprimer la poignée en plastique sur les multipacks. La politique de concurrence peut même aller plus loin, en autorisant, sous certaines conditions strictes, une entente qui altère la concurrence mais favorise la transition climatique. Il s’agit alors de mettre en balance l’atteinte concurrentielle avec la contribution au « progrès économique ». Cette possibilité d’exemption soulève de nombreuses questions, parmi lesquelles : en quoi l’entente est-elle nécessaire pour atteindre l’objectif environnemental ? Une réponse possible nous est donnée dans une affaire récente, en Hollande. Shell et Total Energies souhaitent collaborer pour stocker du carbone dans les gisements de gaz vides en mer du Nord. Les deux entreprises sont concurrentes et l’accord prévoit qu’elles fixeront ensemble les prix pour les premiers 20% des capacités de stockage. L’entente, qui restreint la concurrence, a toutefois été autorisée au motif qu’elle permettra de démarrer un projet nouveau et innovant, qui n’aurait probablement pas vu le jour en l’absence de coopération, compte tenu de l’ampleur des investissements. Une bonne entente, en quelque sorte.

 

 

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