« VTC : voyons encore plus loin » (Les Echos)

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Emmanuel Combe a publié une chronique dans Les Echos le 22 Juillet 2022 sur les VTC.

VTC : voyons encore plus loin 

A l’heure où notre pays connaît un emballement médiatique sur l’entrée d’Uber, il est utile de prendre un peu de recul et de rappeler tous les effets positifs qu’a eu l’arrivée des VTC, sans passer sous silence les points qui restent problématiques.

Quelques chiffres permettent de fixer les idées. En 2018, le nombre d’autorisations de stationnement de taxis était de 58 000 sur toute la France, en augmentation de 14% depuis 2010. L’arrivée des VTC a littéralement fait bondir l’offre totale, qui a doublé entre 2010 et 2018, pour dépasser 102 000 véhicules. Bref, les VTC ont mis fin à un certain malthusianisme sur le marché du transport public particulier de personnes. L’effet a été particulièrement marqué à Paris : aux 17 500 taxis sont venus s’ajouter 32 500 VTC.

Le grand bénéficiaire de ce choc d’offre a été sans conteste l’utilisateur. Si l’effet sur le prix des courses reste difficile à documenter, l’essor des VTC a fait baisser les délais d’attente, ce qui a incité certaines personnes qui n’utilisaient pas ce service à l’utiliser. L’offre a stimulé la demande. Ce gain a été accentué par le recours croissant à des applications de mise en relation instantanée très performantes. Un effet indirect d’une offre accrue a été un meilleur maillage du territoire : le nombre de VTC a par exemple fortement augmenté dans des régions ayant peu de taxis par habitants, comme la Normandie ou le Grand Est.

Le second effet positif pour l’utilisateur a été l’amélioration de la qualité de service, notamment chez les taxis. Ainsi, dans le cas des Etats-Unis, une étude de Walsten a montré que l’entrée d’Uber à New York et Chicago avait conduit à un déclin marqué des plaintes à l’encontre des taxis. Paradoxalement, l’entrée des VTC a profité aux clients qui ne les ont pas utilisés.

Le troisième effet positif se trouve du côté des chauffeurs. Dans le cas de la France, une étude de Landier et Thesmar en 2016, financée par Uber, a mis en évidence le profil particulier des chauffeurs : des personnes jeunes, peu diplômées et qui étaient dans 25% des cas au chômage. L’essor des VTC a contribué à faire entrer sur le marché du travail une partie oubliée de notre jeunesse.

Dernier effet positif : l’activité de VTC permet aux chauffeurs de bénéficier d’une grande flexibilité dans leurs horaires de travail. Une étude de Hall et Krueger aux Etats-Unis a montré que les chauffeurs Uber valorisaient fortement le fait de pouvoir organiser eux-mêmes leur emploi du temps, certains ayant d’ailleurs une autre activité.

Si l’irruption des VTC constitue un choc d’offre positif, elle a eu également des effets indésirables. Elle a tout d’abord renforcé la congestion du trafic routier : une étude de Fageda sur 130 villes d’Europe conclut à un effet plutôt négatif sur la congestion, en particulier dans les zones urbaines denses. Elle a eu également un impact négatif sur le prix des licences de taxi et donc sur la valeur du patrimoine des chauffeurs de taxi, lorsqu’ils détiennent leur licence en propre.  Elle a enfin et surtout conduit à ce que les chauffeurs VTC ne bénéficient pas d’une véritable couverture sociale, au motif qu’ils sont des travailleurs indépendants. Il reste sur ce point à inventer demain un véritable « tiers statut », entre la requalification en salariat et le travail indépendant, qui préserve l’autonomie des chauffeurs tout en leur donnant accès à un minimum de droits. Ce chantier est délicat à engager mais il est nécessaire : le capitalisme de plateforme ne sera demain accepté et acceptable socialement que s’il parvient à conjuguer liberté du travail et protection des travailleurs.

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