Emmanuel Combe a publié le 23 Février 2022 une chronique dans L’Opinion sur la compétitivité de la France.
Compétitivité : par le haut !
Notre déficit commercial a atteint le niveau record de 85 milliards d’euros en 2021. Ce mauvais résultat est d’autant plus inquiétant qu’il ne résulte pas d’une hausse du prix de l’énergie : il s’explique d’abord par le recul de nos parts de marché dans les produits manufacturés. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : la part des exportations françaises de biens dans la zone euro est passée de 17% en 2000 à 13% aujourd’hui.
Les analystes n’ont pas manqué de pointer du doigt notre insuffisante compétitivité-coût, en dépit de toutes les réformes engagées depuis 10 ans. Ils appellent à poursuivre l’effort de baisse de nos coûts, en s’attaquant tout particulièrement aux impôts de production. S’il est économiquement juste, ce discours n’est pourtant pas pleinement convaincant : il s’arrête en chemin et ne dit rien sur l’objectif ultime que nous voulons demain pour notre pays.
Pour éclairer ce sujet, il nous faut revenir au problème fondamental du commerce extérieur français : nos produits n’affichent pas un bon rapport qualité/prix. Comme le montre l’enquête Rexecode, les clients étrangers trouvent que nous sommes souvent trop chers par rapport à la qualité de ce que nous leur proposons.
Face à ce constat, deux perspectives très différentes sont possibles. Une première consiste à utiliser la baisse des coûts de production pour baisser les prix à l’exportation, ce qui conduira à améliorer notre rapport qualité/prix. Cette stratégie peut être qualifiée de « compétitivité par le bas » : à défaut de monter en qualité, baissons nos prix. Cette politique est risquée puisqu’elle nous met demain en concurrence frontale avec les autres pays à bas coût. Une seconde perspective, plus ambitieuse et porteuse d’avenir, consiste à améliorer la qualité de nos produits. C’est une stratégie de « compétitivité par le haut », qui correspond davantage à notre ADN, celui d’un pays capable de miser sur ses excellences.
Preuve en est que ces excellences existent déjà dans trois secteurs, qui brillent par leurs performances à l’exportation. Nous trouvons tout d’abord l’excellence technologique, qui se nourrit de R&D, de chercheurs et d’ingénieurs : c’est celle de notre secteur aéronautique, qui affiche un excédent commercial de 20 milliards en 2021. Nous trouvons ensuite l’excellence du luxe, du design, de la créativité et des marques, qui s’exprime dans les parfums et cosmétiques, avec un solde positif de 15 milliards. Ce secteur a même vu progresser son rapport qualité-prix selon Rexecode, la France passant de la 6ème à la 3ème place. Nous trouvons enfin l’excellence des savoir-faire et des terroirs, qui mise sur la différentiation des produits, à l’image des vins et spiritueux : l’agro-alimentaire présente un excédent commercial de 8 milliards, bien que son rapport qualité prix se dégrade. Des Airbus, des parfums et des fromages : voilà trois exemples concrets de compétitivité par le haut. Ces succès pourraient être dupliqués demain dans d’autres secteurs de notre économie. Pour ce faire, les baisses de coût doivent être d’abord utilisées pour investir dans l’éducation et les compétences, la formation des hommes et le goût des excellences. Il n’y a pas de qualité des produits sans qualification des hommes.