Emmanuel Combe a publié le 27 Décembre 2024 une chronique dans L’Opinion sur la politique économique à venir de Donald Trump.
Make Americans pay again !
Plusieurs études académiques ont montré que le protectionnisme prati<qué par Donald Trump avait détruit de l’emploi au niveau agrégé

Donald Trump a été élu, comme lors de son premier mandat, sur la promesse d’accroître l’emploi et le revenu des travailleurs américains : c’est la fameuse promesse du « Make America great again ». Un nouvel argument est même venu s’ajouter à la liste des promesses : lutter contre l’inflation apparue à la sortie de la Covid, sous la présidence de Joe Biden.
Ces promesses risquent pourtant d’être difficiles à tenir, tant elles sont en contradiction avec deux mesures phares du programme économique du nouveau président des Etats-Unis.
Droits de douane. En premier lieu, Donald Trump a promis qu’il accentuerait la politique protectionniste engagée sous sa première mandature. Cette nouvelle vague protectionniste devrait se traduire par un relèvement massif des droits de douane à 60 % en moyenne à l’encontre de la Chine et possiblement de 10 % à 20 % à l’encontre de l’Europe. L’expérience de la première mandature montre toutefois que les objectifs n’ont pas été atteints. Par exemple, plusieurs études académiques ont montré que le protectionnisme avait détruit de l’emploi au niveau agrégé.
Les emplois sauvés dans les secteurs protégés ont été plus que compensés par des destructions d’emplois dans les secteurs victimes de représailles et dans les secteurs qui utilisent des composants importés et taxésEn effet, les emplois sauvés dans les secteurs protégés ont été plus que compensés par des destructions d’emplois dans les secteurs victimes de représailles et dans les secteurs qui utilisent des composants importés et taxés. On peut également craindre que le retour au protectionnisme ne vienne alimenter l’inflation et donc réduire le pouvoir d’achat des Américains.
A nouveau, l’expérience de Trump 1 montre que les exportateurs dont les produits ont été taxés ont tout simplement reporté la taxe douanière dans le prix final en dollars. De même, les concurrents américains des produits importés, protégés par les droits de douane, en ont profité pour augmenter leurs prix. La facture du protectionnisme de Trump 1 a été payée en réalité par le consommateur américain, sous la forme d’une inflation plus forte. Une simulation récente du Peterson Institute conforte cette intuition : le protectionnisme tarifaire de Trump 2 devrait se traduire par un surcroît d’inflation de 1,3 % par rapport à sa valeur de référence en 2025.
Immigration. En second lieu, Donald Trump envisage de mener une politique très dure de lutte contre l’immigration, en expulsant massivement les immigrés illégaux. Ces derniers sont estimés aujourd’hui au nombre de 12,5 millions, dont 9 millions occupant un emploi : cela équivaut à plus de 5 % de la population active des Etats-Unis.
Selon le Peterson Institute, si 1,3 million de travailleurs sont expulsés, le PIB américain sera inférieur en 2028 de 1,2 % au niveau de référenceSi les expulsions sont massives, il faut s’attendre à un véritable choc d’offre sur le marché du travail, en particulier dans des secteurs comme la construction ou l’agriculture. Cette diminution de l’offre de travail va conduire à des pénuries de main-d’œuvre, renforcées par le fait qu’une majorité de citoyens américains ne souhaite pas occuper ces emplois, souvent mal payés. La croissance américaine en sera négativement affectée : selon le Peterson Institute, si 1,3 million de travailleurs sont expulsés, le PIB américain sera inférieur en 2028 de 1,2 % au niveau de référence.
Il est donc loin d’être certain que la politique de Donald Trump sera payée, comme il l’affirme, par les « étrangers ». Il est plus probable qu’elle soit payée par… les Américains eux-mêmes.