« Une identité (économique) française » (L’Opinion)

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Emmanuel Combe a publié une chronique dans le journal L’Opinion, le 19 Juillet 2016 sur la place du luxe en France.

 

Une identité (économique) française

Dans une France minée par la défiance et la crainte, il est urgent de nous réinventer un avenir commun, de réaffirmer ce que nous sommes et voudrions être demain. Nous n’échapperons pas, durant la campagne présidentielle, à l’indispensable débat sur « l’identité française ». Mais ce débat mériterait d’être porté sur un terrain autre que celui, mouvant, périlleux et rebattu de l’histoire, des valeurs et des personnes. Et si, pour une fois, on se demandait quelle pourrait être notre identité économique ?

La manière la plus simple de répondre à cette question est sans doute de se tourner vers les 3 milliards d’habitants du nouveau monde. Indiens, Chinois, Brésiliens nous répondraient alors presque tous la même chose : la France, c’est d’abord un certain art de vivre, le luxe, la cuisine, le parfum, le champagne, les paquebots et les avions. Ils voient assez juste. Pour s’en convaincre, il suffit de se plonger un instant dans les statistiques de notre commerce extérieur : dans l’océan de notre déficit commercial (45 milliards en 2015) surnagent quelques pépites à l’export comme l’aéronautique, les matériels de transport, le luxe, les produits du terroir, la chimie/parfums/cosmétique. Le point commun entre toutes ces activités, pourtant si différentes ? L’excellence et la créativité sous toutes les formes.

Prenons l’exemple de l’industrie du luxe : nous détenons avec les Italiens une position de leadership mondial sur le segment du luxe à la personne. Dans ce secteur, nous parvenons même à faire la «mondialisation à l’envers » : ce ne sont pas les ouvriers chinois qui remplacent les ouvriers français ; ce sont les ouvriers qualifiés et créatifs français qui exportent leur savoir-faire et leur talent vers la Chine. La mondialisation n’est plus seulement une machine à délocaliser et à comprimer les coûts ; elle devient aussi une formidable opportunité de conquérir le monde, pour lui vendre des produits différents et à forte valeur ajoutée.

La France des excellences. Mais l’excellence ne se cantonne pas, loin s’en faut, au seul secteur du luxe : elle peut toucher en réalité toutes les activités, dès lors que la qualité et l’originalité s’en mêlent. Le boulanger qui vend ses croissants à New York ; le viticulteur qui exporte son terroir ; l’artisan qui se spécialise dans les verres en cristal ; l’ingénieur qui conçoit de nouveaux sièges d’avion ; l’hôtelier qui mise sur le service et l’accueil : chacun peut contribuer, à sa mesure et à sa manière, à cette France des excellences.

L’excellence de la production est une matrice qui peut rassembler tous les Français, autour de valeurs fortes comme le goût de l’effort et du travail bien fait. Elle peut redonner du sens, de l’ancrage local, de la fierté nationale à une mondialisation trop souvent vécue comme anonyme. Elle permettrait aussi de diversifier les voies de la réussite et d’en finir avec la tyrannie de l’excellence unique : s’accomplir comme pâtissier n’est pas moins méritant que de sortir d’une grande école.

Cette ambition, cette exigence mériteraient d’être portées politiquement, au travers d’un message simple mais fort : notre petit pays, avec son esprit d’Astérix et sa French touch, a tout pour réussir dans le vaste monde. Education et formation pour tous, libération des énergies, valorisation de la prise de risques, reconnaissance de tous les talents, récompense du mérite, de l’effort et du travail : tel sont les principaux ingrédients de cette société des excellences. Il nous reste juste à le vouloir.

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