« Quand les marques nous parlent » (L’Opinion)

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Emmanuel Combe a publié une chronique dans le journal L’Opinion, le 27 Septembre 2017, sur le rôle des marques.

 

Quand les marques nous parlent

Comme chaque année, Interbrand vient de publier son palmarès des 100 plus grandes marques globales, sur la base d’une analyse multicritères mêlant performances financières, notoriété et risques de la marque. Quelles que soient les limites méthodologiques de l’étude, trois enseignements peuvent en être tirés.

Tout d’abord, les grandes marques mondiales restent l’affaire des pays développés. Certes, la Chine a opéré son rattrapage technologique, au point de déposer aujourd’hui brevets et marques à tour de bras. Pourtant, force est de constater que la Chine n’existe pas encore vraiment dans le cœur des clients, à l’exception notable de produits technologiques comme les smartphones (Huawei) ou les ordinateurs (Le Novo). Etats-Unis et Europe se partagent sans conteste le podium mondial, avec 52 marques américaines et 35 européennes dans le top 100. Le Japon (6 marques) et la Corée du Sud (3) parviennent à exister, dans deux secteurs qui ont fait leur fortune depuis 40 ans : l’électronique et l’automobile.

Ensuite, en comparant les classements entre 2001 et 2016, on y retrouve souvent les mêmes marques, bien que leur place puisse fortement changer. Pour faire simple, les marques leaders de l’automobile, du luxe, de la grande consommation, de la distribution, de la banque/assurance, du divertissement sont les mêmes aujourd’hui qu’il y a quinze ans, à l’image de Coca-Cola, Mercedes ou Disney. Cette relative stabilité nous enseigne que, si l’entrée dans un secteur est toujours possible, il est par contre très difficile de s’y faire une place au soleil.

Innovation de rupture. Deux exceptions toutefois : dans la high-tech, une innovation de rupture comme l’iPhone d’Apple, désormais première marque globale, a conduit à faire sortir du classement des entreprises comme Nokia ou Ericsson. Idem dans la photo, avec la sortie de Kodak. Mais surtout, l’essor du numérique s’est traduit par l’apparition de nouveaux géants comme Facebook (née en 2004), Paypal (née en 1998) ou Google (née en 1998), qui n’étaient pas présents dans le classement de 2001.

Dernier constat : les nouvelles marques qui se sont imposées au niveau global depuis 15 ans nous viennent presque toutes des Etats-Unis. Il faut sans conteste y voir la capacité de l’économie américaine à faire émerger rapidement de nouveaux acteurs dans de nouveaux domaines d’activité et à renouveler des secteurs traditionnels comme l’automobile, avec Tesla (née en 2003) ou la distribution avec Amazon.

Par contraste, l’Europe se caractérise par la présence de grandes marques établies et anciennes, la plus récente étant l’entreprise espagnole Zara, née… en 1975. Aucune entreprise du numérique n’y figure. Le cas de la France est à cet égard symptomatique : notre pays affiche 8 marques globales, dont 6 appartiennent au seul secteur du… luxe. Le contraste avec l’Allemagne est saisissant, qui, sur 9 marques du top 100, aligne… 5 marques automobiles et un géant des biens d’équipement (Siemens).

La photographie annuelle des grandes marques ne nous renseigne pas seulement sur les mutations sectorielles que traverse l’économie mondiale. Elle nous parle aussi de résilience des entreprises et d’ADN des pays. La globalisation n’a pas effacé l’histoire.

Emmanuel Combe est professeur des universités, professeur affilié à Skema Business School.

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