« OMC : qui veut gagner des milliards ? » (L’Opinion)

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Emmanuel Combe a publié une chronique dans le journal L’Opinion, le 15 décembre 2015 sur l’OMC.

 

OMC : qui veut gagner des milliards ?

Alors que la grande messe de la COP21 vient de s’achever avec succès à Paris, s’ouvre cette semaine à Nairobi une autre conférence d’importance, quoique peu médiatisée : celle de l’OMC, au cours de laquelle 162 pays membres vont discuter d’un accord sur le commerce mondial, 14 ans après le lancement du « cycle de Doha » et plusieurs tentatives avortées. La probabilité d’aboutir à un accord global apparaît très faible, tant les divergences restent fortes. Mais les discussions vont aussi porter sur un sujet d’apparence mineure : un accord sur « la facilitation des échanges », lancé lors de la conférence de Bali en 2013.

De quoi s’agit-il ? Tout simplement de réduire les coûts du commerce international qui, tels des grains de sable, viennent freiner la dynamique des exportations et importations entre les pays membres de l’OMC. Ces coûts sont multiples : formalités administratives lourdes, délais d’attente trop longs à la douane ou dans les ports, procédures de contrôle peu modernes ou non harmonisées entre les pays, etc. Bref, des petites tracasseries qui n’ont l’air de rien mais qui, cumulées, finissent par faire une addition salée. Selon l’OMC, ces coûts représenteraient dans les pays en développement l’équivalent d’une taxe de… 219 % !

Cela revient à dire qu’un produit dont le coût de fabrication est de 1 dollar dans un pays pauvre coûte en réalité 3,19 dollars lorsqu’il est exporté, une fois pris en compte tous les coûts liés au commerce. Si l’on raisonne en termes de pertes de revenus, les procédures inefficaces aux frontières pourraient représenter dans certains pays d’Afrique jusqu’à 5 % du PIB, selon l’OCDE. Même dans les pays développés, ces coûts représenteraient l’équivalent d’une taxe de 134 % !

Fluidité et rapidité. Imaginez un instant que l’on parvienne à les diminuer. Les conséquences seront multiples : tout d’abord, les exportations, notamment au départ des pays en développement, augmenteront tandis que les importateurs pourront espérer une baisse du prix final. De même, une plus grande fluidité et rapidité dans les échanges internationaux inciteront les entreprises du Nord à investir davantage dans les pays en développement. Plus encore, les petites entreprises qui sont souvent dissuadées d’exporter à cause des procédures administratives complexes, rentreront sur le marché international, augmentant ainsi la variété des produits disponibles. Enfin, l’incitation à la corruption – les pots-de-vin pour accélérer les formalités douanières… – sera diminuée.

Selon l’OMC, une réduction raisonnable de ces coûts aux frontières, de l’ordre de 15 %, conduirait à accroître les exportations mondiales d’au moins 750 milliards de dollars chaque année. Si l’on raisonne en termes de croissance économique, le gain à attendre serait compris entre 345 et 555 milliards de dollars chaque année, principalement à l’avantage des pays du Sud.

Encore faudrait-il que les deux tiers des membres de l’OMC ratifient l’accord ; pour l’heure, 53 pays seulement l’ont fait. L’air de rien, la disparition de ces petits grains de sable dans les rouages du commerce mondial pourrait générer une manne financière considérable. Une manne qui permettrait par exemple de financer… les 100 milliards de dollars promis par les pays riches aux pays en développement dans le cadre de la COP21. Les petits accords font parfois le bonheur des grandes causes.

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