Les 3 défis qu’Air France doit relever (Les Echos)

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Outre une longue et coûteuse grève, Air France KLM doit aujourd’hui affronter une crise de gouvernance, suite à la démission de son PDG. Si toute réforme a besoin de stabilité, autant dire que la situation d’Air France est critique, alors même que le groupe doit affronter des défis stratégiques majeurs. Ces défis vont bien au-delà de sujets conjoncturels comme la remontée des cours du pétrole, qui affecte l’ensemble des acteurs de l’aérien. Il s’agit d’abord de défis internes au groupe et qui vont conditionner, sinon sa survie, à tout le moins son positionnement et sa place futurs dans le ciel européen et mondial, que ce soit en termes de taille ou de périmètre d’activités. Si aucune initiative forte n’est prise rapidement, le risque est de voir la compagnie s’engager dans une spirale de « l’attrition ». Cette spirale pourrait conduire à terme Air France à devoir lâcher son court et moyen-courrier pour devenir un acteur spécialisé sur le seul long courrier. Pour éviter un tel scénario, Air France doit impérativement relever trois défis majeurs.

Le premier défi est celui des coûts. Si des efforts de productivité ont été faits depuis quelques années, ils restent insuffisants par rapport aux standards du marché. Dans un univers aussi concurrentiel que l’aérien, toute mesure de la performance se doit d’être comparative. Ainsi, Air France affiche des niveaux de coût au siège kilomètre (CSKO) supérieurs à ceux de concurrents historiques comme IAG (British Airways), qui récolte les fruits de sa stratégie sur le segment du moyen courrier avec sa filiale Vueling. Quant aux pure players du low cost, ils ne «s’embourgeoisent » toujours pas et continuent de délivrer une offre à bas coût : 3,6 centimes du kilomètre (CSKO) pour Ryanair ; 6,4 centimes pour easyJet, soit 30% en dessous d’Air France. Il est urgent qu’Air France ait de grandes ambitions dans le low cost sur le segment du moyen courrier.

Le second défi est celui de la taille critique : sur le moyen courrier, Air France ne joue déjà plus dans la cour des grands. Pour s’en convaincre, il suffit de lire les chiffres. Deux géants –Ryanair et easyJet- dominent le ciel européen. Ryanair aligne 434 appareils et 129 millions de passagers transportés, ce qui en fait le premier opérateur en Europe. Du côté d’easyJet, la flotte se compose de 290 Airbus, qui ont transporté pas moins de 81 millions de passagers en 2017. Par comparaison, si l’on prend le périmètre (large) du court et moyen-courrier d’Air France (hors KLM mais en incluant Transavia France), on aboutit à un ensemble qui pèse 230 appareils et transporte 41 millions de passagers soit … un tiers de Ryanair. Il est urgent qu’ Air France reparte à l’offensive, à l’heure où le transport aérien entame en Europe sa consolidation, comme en témoigne la faillite d’Air Berlin. Cette offensive passera nécessairement par des fusion-acquisitions et rachats d’actifs : il existe encore quelques low cost qui n’ont pas atteint la taille critique, sont spécialisées sur des niches de marché et qui tomberont tôt ou tard dans l’escarcelle d’un grand opérateur.

Le troisième défi est celui du service. Face à la concurrence des compagnies du Golfe et asiatique, Air France doit poursuivre sur le long courrier le difficile travail de montée en gamme. La montée en gamme ne réside pas seulement dans la qualité intrinsèque des produits (repas, sièges, wifi etc) : elle se joue aussi et surtout dans la capacité à être à l’écoute du client, à faire preuve de constance dans la qualité de la prestation, en classe affaires comme en classe économique. N’oublions jamais que le cadre supérieur qui voyage tout frais payés en classe business est parfois aussi le passager de la classe économique lorsqu’il paye son billet. L’expérience Air France doit rester, sinon la même, du moins en cohérence avec l’image globale de la marque. Sur le court et moyen-courrier, l’enjeu est davantage celui de la practicité et de l’efficacité du produit : le temps de vol doit être utile pour le voyageur et Air France doit, comme la SNCF, aller sur le terrain de la mobilité et de l’intermodalité, pour offrir une offre, de porte à porte, dont l’aérien ne sera qu’un segment. Le travail de polarisation de l’offre selon le niveau de prix payé doit être poursuivi : le client qui voyage à bas prix doit accepter d’avoir beaucoup moins que celui qui paie cher, quitte à mettre des prestations en options payantes.

Ces défis stratégiques sont considérables à relever mais, à l’heure où Air France KLM s’apprête à changer de gouvernance, ils peuvent être l’occasion d’un nouveau départ pour le groupe. Espérons que la crise actuelle soit l’occasion d’un sursaut salutaire qui permettra à Air France de redevenir ce qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être : un fleuron français, porte drapeau de notre pays.

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