« Le (petit) crime ne paie (presque) pas » (L’Opinion)

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Emmanuel Combe a publié une chronique dans le journal L’Opinion, le 14 Février 2017 sur la petite délinquance économique.

 

Le (petit) crime ne paie (presque) pas

Dans notre précédente chronique, nous avons montré que les pouvoirs publics, dans leur lutte contre la petite délinquance du quotidien, auraient tout intérêt à utiliser l’arme de la sanction monétaire. L’amende présente l’avantage, par rapport à la prison, de son immédiateté, de son effectivité et repose sur un principe aussi simple qu’objectif : « Plus tu voles, plus tu paies ». Mais la lutte contre le vol, le cambriolage et les petits trafics en tout genre passe aussi par une meilleure détection et prévention.

Mais faut-il vraiment détecter les petits délits ? Il est en effet tentant d’en faire le moins possible, au motif que la détection est coûteuse : mobiliser un policier pour arrêter des voleurs d’iPhone peut sembler de prime abord disproportionné. Il vaudrait mieux se contenter d’infliger des sanctions très fortes aux rares délinquants qui se font attraper, en contrepartie d’une faible probabilité de détection : ceux qui se font prendre paieraient en quelque sorte pour les autres.

C’est oublier que si les chances d’être arrêté par la police sont trop faibles, les apprentis délinquants penseront qu’ils ne se feront jamais interpeller. Il s’agit là d’un biais bien connu en psychologie, le « biais de disponibilité » : lorsqu’un événement survient de manière trop rare, l’individu considère qu’il n’arrive… jamais. Il est donc important de conserver une activité constante de police sur le terrain, à l’image de ce qu’ont fait les Anglais avec la Street Crime Initiative en 2002 : la présence policière sur la voie publique aurait permis de réduire de 30 % le nombre de vols, soit un coût évité de 130 millions de livres, pour une dépense supplémentaire de 24 millions. Un bon calcul économique.

Sentiment d’impunité. Il est également important de détecter (et punir) les petits délits, afin d’éviter que le primo délinquant, qui commence souvent par de petits larcins, ne développe un sentiment d’impunité et ne s’engage demain dans une trajectoire criminelle, avec des délits de plus en plus conséquents : qui vole aujourd’hui un œuf, volera demain un bœuf.

Outre la détection, les pouvoirs publics doivent aussi miser sur la prévention. A cet égard, les études empiriques montrent que la majorité des délinquants – et notamment ceux situés en bout de chaîne — ne font pas fortune et peinent même à boucler les fins de mois. Pas de quoi susciter a priori des vocations ! Si des jeunes s’engagent dans la petite délinquance, c’est aussi parce que leur perception des gains est fortement biaisée : ils les surestiment, en prenant comme référence le train de vie luxueux de leurs supérieurs, les chefs de gang. Mais c’est oublier qu’il en est du crime comme de toute compétition : si les candidats sont nombreux, rares sont les élus. Les jeunes délinquants sont victimes d’un autre biais psychologique – la « surconfiance » – qui les conduit à penser à tort qu’ils deviendront demain caïd et décrocheront le gros lot.

Or n’est pas Al Capone qui veut. Pour les pouvoirs publics, un levier intéressant de prévention consiste à mener des campagnes régulières d’information – par exemple sous la forme de témoignages d’anciens délinquants — dans les collèges, lycées et lieux fréquentés par les jeunes, pour les informer de la dure réalité économique du « métier » de délinquant. Avec un message simple : la petite délinquance n’est pas très rentable. Mieux vaut encore aller à l’école ou prendre un travail légal.

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