« Le commerce en ligne a aussi ses frontières » (L’Opinion)

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Emmanuel Combe a publié une chronique dans le journal L’Opinion, le 15 Mars 2017 sur le commerce en ligne.

Le commerce en ligne a aussi ses frontières

Avec une progression annuelle de 14 % et des ventes qui ont dépassé les 230 milliards d’euros en 2016, le succès du commerce en ligne ne se dément pas en Europe. Pour les producteurs, le e-commerce constitue un puissant relais de croissance et de compétitivité, comme nous l’avons montré dans notre précédente chronique. Du point de vue des clients, le e-commerce offre également de nombreux avantages : facilité et rapidité de la commande, notamment grâce au mobile, ouverture des magasins 24 heures/24 et 7 jours sur 7, diminution des coûts de recherche, élargissement de la gamme des produits, désenclavement des zones rurales, possibilité de retrait en magasin avec le «click and collect», etc.

Bref, le commerce en ligne est venu redonner un peu de pouvoir aux consommateurs, notamment en facilitant les comparaisons. Les études empiriques montrent à cet égard que le e-commerce constitue un nouveau vecteur de concurrence, conduisant à des baisses de prix par rapport à ceux pratiqués dans les magasins en dur, même si leur ampleur apparaît variable selon les secteurs : forte dans l’assurance vie – jusqu’à 15 %- plus limitée dans l’automobile – de l’ordre de 1,5 %.

Publicvité appât. Pour autant, il serait naïf de penser que le e-commerce est un espace pleinement transparent, notamment en matière tarifaire. Les comparateurs de prix n’ont pas mis fin à certaines pratiques commerciales trompeuses… venues du monde des magasins physiques. Ainsi, pas plus tard qu’il y a deux semaines, 19 entreprises d’e-commerce ont été condamnées en France à 2,4 millions d’euros pour avoir fait de fausses promotions sur Internet, en augmentant artificiellement le prix de référence à la hausse pour pouvoir afficher un pourcentage de remise plus attractif. De même, les vendeurs en ligne utilisent parfois la technique de la « publicité appât » (« bait and switch »), en mettant en avant un produit à bas prix qui n’est en réalité pas disponible ou dont la qualité est dégradée, dans le seul but d’attirer le client sur le site. Ils peuvent également multiplier les références et versions d’un même produit, afin de compliquer les comparaisons de prix, avec d’autres sites en ligne ou des magasins physiques.

Le e-commerce n’est pas non plus un espace sans frontières, au sein duquel les consommateurs se déplaceraient sans restrictions ni contraintes. En particulier, la pratique du « blocage géographique » interpelle : elle consiste à refuser l’accès au site, le paiement ou la livraison, au motif que le client réside dans un autre pays de l’Union, en le redirigeant parfois vers le site de son pays de résidence. Le blocage géographique, qu’il émane des magasins en ligne eux-mêmes ou des producteurs avec lesquels ils sont engagés contractuellement, semble assez répandu en Europe, si l’on en croit les premiers résultats de l’enquête sectorielle de la Commission européenne : 36 % des distributeurs en ligne de produits restreindraient les ventes transfrontalières et ce pourcentage s’élèverait même à 68 % pour des contenus digitaux comme les films !

Bref, Internet n’a pas mis fin à l’éternelle tentation des entreprises d’ériger des barrières privées, dont la justification apparaît discutable, pour limiter… la concurrence. Le grand marché européen du commerce en ligne ne se fera pas demain sans l’intervention de la main visible… des pouvoirs publics.

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