« Europe : subventionner des céréales ou des jeunes ? » (L’Opinion)

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Emmanuel Combe a publié une chronique dans le journal L’Opinion, le 29 Juin 2016 sur l’adhésion à l’Europe.

 

Europe : subventionner des céréales ou des jeunes ?

Après quarante-trois ans de vie commune, un membre (turbulent) de la grande famille européenne vient de nous claquer la porte au nez. Comment a-t-on pu en arriver là ? Telle est la question que se posent aujourd’hui tous ceux qui croient encore à cette belle idée d’Union, née sur les ruines de deux guerres mondiales.

On peut toujours se rassurer en se disant qu’après tout les Anglais n’ont jamais vraiment eu les deux pieds dans la maison commune. Ou que la jeunesse anglaise a voté majoritairement pour le maintien. On en arrive même à penser que le Royaume-Uni va vite regretter son choix. Par exemple, la dépréciation de la livre ne va pas arranger leurs affaires : comme les exportations anglaises, centrées sur des produits à forte valeur ajoutée sont peu sensibles au prix, tandis que leurs importations sont largement incompressibles, leur déficit commercial, qui atteignait déjà 125 milliards de livres en 2015, va se creuser un peu plus. Ce dont aurait besoin le commerce extérieur anglais, comme le rappelle Natixis, c’est d’une monnaie… forte !

Tous ces raisonnements sont justes mais n’emportent pas la conviction. Ils sont d’abord là pour nous éviter de regarder la réalité en face : si un membre est sorti de l’Union, c’est parce qu’une majorité de citoyens – surtout les personnes âgées — n’y croyait plus. Et tous les sommets européens, toutes les subventions agricoles n’y pourront rien face à cette terrible évidence.

Au-delà du cas anglais, comment faire en sorte que les Européens aient envie demain de rester dans l’Union ? En misant sur des politiques de long terme qui favorisent le sentiment d’appartenance à un destin commun. L’Union ne se décrète pas ; elle se construit dans les cœurs, jour après jour. Parmi ces politiques structurelles, la plus importante est celle qui touche aux générations futures : il faut que les jeunes puissent tous vivre l’expérience de l’intégration européenne. Pour l’instant, l’Union reste l’affaire d’une poignée d’étudiants qui, grâce au low cost aérien et au programme Erasmus, partent, le temps d’un week-end ou d’une année universitaire, découvrir leurs semblables à Madrid, Stockolm ou Berlin.

Mais cette Europe de la jeunesse reste encore bien étroite : en 2014, 272 000 étudiants seulement ont bénéficié du programme Erasmus Plus. Dans le cas de la France, 36 000 étudiants sont allés revivre l’expérience de «l’auberge espagnole». C’est bien peu, lorsque l’on sait que la France compte 1,5 million d’inscrits à l’Université. Plus encore, en dépit des efforts récents pour cibler de nouveaux publics, Erasmus reste l’affaire des diplômés du supérieur : 96 % des étudiants partis en échange détenaient en 2014 un Bachelor ou un Mastère ! L’ambition doit être que tous les futurs citoyens puissent faire l’expérience de l’Europe, quel que soit leur type ou niveau d’études : les apprentis, les élèves des filières professionnelles, etc.

On nous objectera que tout cela coûtera cher : 1,4 milliard d’euros est déjà consacré sur la période 2014-2020 au volet «Jeunesse» du programme Erasmus Plus. Mais que représente cette somme, au regard des 362 milliards d’euros engloutis dans notre politique agricole commune ? Entre les subventions aux céréales et celles aux jeunes, il serait temps de faire le bon choix.

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