« Commerce en ligne : Deutsche Qualität ? » (L’Opinion)

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Emmanuel Combe a publié une chronique dans le journal L’Opinion, le 12 Décembre 2018, sur le commerce en ligne.

 

Commerce en ligne : Deutsche Qualität ?

Le mouvement des Gilets Jaunes n’aura pas fait que des perdants : alors qu’il affecte lourdement les magasins physiques, il pourrait bien profiter aux sites de e-commerce, par un effet de report d’achats. En cette période de Noël, les Français achèteront une partie de leurs cadeaux sur des sites localisés en France mais peut-être aussi chez des e-commerçants implantés à… l’étranger. La pratique des ventes transfrontalières sur Internet reste pour l’instant peu répandue : elle ne concerne que 22 % des Français, qui ne sont pourtant pas les derniers en Europe.

Cette réticence s’explique d’abord par de multiples obstacles comportementaux : peur de ne pas être livré à temps, difficulté de passer commande dans une autre langue que la sienne, crainte de ne pouvoir faire valoir ses droits en cas de problème avec le vendeur, etc. Mais une autre raison explique aussi cette faiblesse du e-commerce entre Européens : lorsqu’un client trouve un produit sur un site étranger, il est parfois empêché de finaliser sa transaction, en étant par exemple redirigé automatiquement vers le site de son pays de résidence (« rerouting ») ou en se voyant refuser le paiement avec sa carte de crédit étrangère.

Cette pratique, dénommée «geoblocking», permet aux producteurs et distributeurs de cloisonner les marchés, en fixant des prix et des conditions différentes selon les pays et en empêchant les clients d’acheter là où bon leur semble. Une enquête de la Commission a révélé l’ampleur du phénomène : en 2016, sur 100 sites de ventes en ligne, seuls 37 d’entre eux permettaient à un client de finaliser la transaction sur un site étranger.

Geoblocking. Mais la situation pourrait bien évoluer dans les mois à venir, à la faveur d’un nouveau texte européen, entré en vigueur le 3 décembre et qui interdit certaines pratiques de geoblocking, comme le « rerouting » automatique. La Commission entend clairement stimuler le développement d’un grand marché du e-commerce en Europe, comme elle l’a fait dans le passé pour le commerce physique : fini les frontières artificielles sur Internet, au moins pour les marchandises !

La question qui se pose alors est de savoir à qui profitera demain cette ouverture. Une étude récente d’Idéalo vient apporter des éléments de réponse, guère rassurants pour notre pays. Nous, Français, achetons pour 23 % sur les sites à l’étranger mais les étrangers achètent peu chez nous : nous représentons seulement 3 % des achats transfrontaliers en Europe, derrière l’Espagne et l’Autriche. Notre positionnement contraste avec celui de l’Allemagne : les Allemands sont certes ceux qui achètent le plus sur les sites à l’étranger mais ce sont aussi ceux qui attirent le plus les internautes du reste de l’Europe, en réalisant 83 % du volume des transactions.

Des internautes qui ne viennent pas seulement pour acheter des produits allemands à des prix compétitifs mais aussi pour bénéficier de services de qualité avant, pendant et après l’achat on-line, sur de multiples produits. Les Allemands appliquent en réalité au commerce en ligne la recette qui a fait leur succès dans l’industrie : toujours offrir au client le meilleur rapport entre le prix et… la qualité.

Emmanuel Combe est professeur des universités, professeur affilié à Skema business school.

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